Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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LA CYANURATION INDUSTRIELLE D'AUPLATA, C'EST MIEUX QUE LE MERCURE DES ORPAILLEURS ?

28/09/2014

Une information passée inaperçue... depuis février dernier

Source : http://www.guyaweb.com/

 

 

Cette information est passée plutôt inaperçue. Pourtant l’annonce formulée le 25 février par Auplata de l’ouverture prochaine d’une goldroom (en français, NdTémoin) à cyanuration à Dégrad-des-Cannes est capitale, puisqu’elle embarque la Guyane sur le chemin de l’utilisation controversée du cyanure et confirme le changement de braquet de Paris, qui s’investit désormais en faveur de l’industrialisation minière.
Le 25 février, Auplata, premier producteur d’or en Guyane annonçait l’ouverture prochaine d’un « site pilote » [il s'agit en fait d'un deuxième projet de ce type en Guyane] à Rémire-Montjoly, dans la zone portuaire de Dégrad-des-Cannes, censé préfigurer à l’installation d’une grande usine sur le site minier de Dieu Merci, sur la commune de Saint-Elie.
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Une annonce en or qui intervenait quatre jours après la sortie bruyante du ministre Arnaud Montebourg dans les colonnes du Parisien de doper la prospection et l’exploitation
minières sur les territoires français.

 

L’équipe Jean Ganty dans le collimateur
Une communication qui s’ajoute à l’enthousiasme actuel du monde aurifère industriel, mais un sacré coup de pub pour le maire sortant de Rémire-Montjoly Jean Ganty. Devant la grogne de certains riverains de Dégrad-des-Cannes déjà remués par le projet gelé d’une usine de transformation de produits de la mer, Jean Ganty se défend : « je n’ai donné aucune autorisation pour que l’activité se fasse. Dans le cadre du droit des sols, rien ne nous contraignait à refuser ce permis de construire [l'instruction du permis de construire s'est déroulée "l'année dernière" selon le maire] sinon je serais allé devant les tribunaux. J’ai écrit au préfet, à la Diren [Deal, Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement)] et à Auplata quand j’ai vu apparaître cette société [Auplata] qui informait tout le monde sur son site pilote, alors qu’ils n’ont pas encore d’autorisation pour que l’activité se fasse. Si l’activité est signifiée, là effectivement elle fera l’objet d’une information au conseil municipal. Il y a une enquête publique qui doit se faire ».

188.jpgUsine de cyanuration d’Omai, Iamgold au Guyana

 

Le cyanure en complément de la gravimétrie et du tablage pour un gain de production de «  20% »
Le projet est bel et bien lancé : « Rien ne peut s’y opposer maintenant » rétorque Didier Tamagno [directeur général d'Auplata]. Aucune enquête publique n’est obligatoire [selon lui] dans la mesure où le projet est uniquement soumis à un régime déclaratif. La Deal rendait d’ailleurs un avis favorable le 14 février, feu vert pour la construction selon Auplata. Un arrêté préfectoral fixant « les contraintes » à respecter par l’usine : la goldroom de Dégrad-des-Cannes est désormais attendue. Le site entrera en action « avant la fin de l’année ». Son coût est estimé à « 1,5 millions d’euros », avec un retour sur investissement tranquille à « 14 mois » [puis « de moins d'un an » nous dira le lendemain Didier Tamagno] et pour lequel une demande auprès de l’AFD va être néanmoins introduite.
 «  2 tonnes de minerai seront traités  » quotidiennement. Collectés sur le site de Dieu Merci (sur la commune de Saint-Élie, NdTémoin), ils seront transportés par avion jusqu’à Félix Eboué puis par la route (et l'impact carbone pour tout ça ? On s'en fout. NdTémoin). L’or sera alors extrait par cyanuration, un procédé chimique pour recueillir une partie de « l’or des gîtes primaires altérés ».

 

Le cyanure et les institutions
Dans une résolution de mai 2010 le parlement européen (488 voix pour, 48 voix contre et 57 abstentions) préconisait l’interdiction de l’utilisation du cyanure dans l’industrie minière de l’Union européenne au motif de l’« extrême toxicité pour l’environnement et la santé humaine », du « respect des objectifs de l’Union européenne vis à vis de l’environnement [directive cadre eau] » et des « défauts des États membres à faire appliquer les règles de prudence ».
Cette résolution fut rejetée le 23 juin suivant par le commissaire européen pour l’environnement, le slovène Janez Potočnik, suite à une « enquête parlementaire ». Le commissaire concluant que la « législation en vigueur inclut des dispositions strictes afin d’assurer un niveau de sécurité approprié » et qu’une interdiction générale de l’usage du cyanure impliquerait la fermeture des mines existantes qui opèrent dans des conditions de sécurité. Car aujourd’hui, « il n’existe aucune alternative adéquate à l’utilisation du cyanure pour l’extraction de l’or [primaire] ». Auplata n’exploite en direct que l’or primaire [des prestataires exploitent pour la société l'or alluvionnaire].
 « Lorsque Auplata a pris conscience que pour avoir une réalité économique il fallait doter la gravimétrie du chimique, on était en 2008-2009, c’était après Cambior.  On s’est dit : parler cyanure ça ne va pas le faire ». Sous les conseils d’experts, la société qui veut doper sa production se tourne alors vers le thiosulfate de sodium. « Les résultats étaient satisfaisants » nous dit-on, mais « deux contraintes » apparaissent : « le coût du réactif est important ; et le temps de latence [de la réaction : 96 h pour le thiosulfate contre 24 h pour le cyanure] qui n’est rentable que si le cours de l’or est supérieur à 1500 dollars l’once [actuellement le cours est à 1300] ».
  La «  qualité du management est importante tout comme le contrôle régulier par des experts  » prévenait en 2013 le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Sur ce point, le site de Changement où furent pratiqués les premiers tests in situ de cyanuration ne donne pas des gages rassurants. Situé à 80 kilomètres au sud de Cayenne, ce site minier sous permis accordé à la société d’exploitation du site de Changement fut « exploité [dans les années 90] pendant une petite dizaine d’années puis abandonné ». Lors de son activité, on notait tout de même 545 m3 d’évaporation de solution cyanurée. « Aucun suivi n’a a priori été réalisé sur le site. Compte-tenu des enjeux en terme de suivi post-fermeture, il serait intéressant d’évaluer l’état environnemental du site actuel » notait le BRGM en 2013, soit vingt ans après la fermeture du site.

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l’usine Omai d’IamGold au Guyana

 

La gestion des risques
 Sentant le vent se lever, Didier Tamagno argumente  : « nous allons créer dix emplois [dont trois postes d'agents de sécurité] ! », « nos actions se font dans le respect de l’environnement », et puis, « quand on dit cyanure on pense poison, mais ce n’est pas vrai ». Parole d'entrepreneur, quel développement pour la Guyane en termes d'emploi ! Et comment ne pas croire sur parole un Monsieur qui affirme avec tant de conviction : du poison ? ce n'est pas vrai ! NdTémoin. Le BRGM n’est pas aussi catégorique que l’entrepreneur. Dans leur étude prospective de 2013, les experts soulignent que « le mot cyanure est très connoté et à une charge émotionnelle bien compréhensible. La dangerosité du cyanure provient de sa capacité à agir comme poison violent (…). Au cours d’une exploitation minière, les principaux risques pour l’homme sont liés à la poussière produite durant la manipulation de ce produit ou au moment de la préparation » (alors, pas de poison ? NdTémoin).  « Si nous avons pu bâtir ce dossier c’est qu’on a pu répondre à la réglementation » [répond] Auplata. Le procédé de cyanuration produira des résidus : des boues « traitées à l’intérieur de nos locaux. Les boues liquides seront réinjectées dans le processus. Les boues solides seront neutralisées avec un niveau compatible aux décharges publiques » (rappelons qu'il n'existe pas de structures de traitement des déchets en Guyane, hors les décharges. NdTémoin). Et un nouvel hôte pour les maringouins (moustiques) ! « Des ouvriers spécialisés » (les dix emplois créés, moins les trois postes d'agents de sécurité ? NdTémoin) qui recevront une formation dispensée par des experts canadiens attendus cette semaine seront en charge de la chimie. «  Chaque ouvrier sera équipé d’un capteur de gaz cyanurique  ». Et pour l’anecdote, «  ces détecteurs se déclenchent si vous fumez à côté, car les cigarettes contiennent du cyanure ! » ricane l’entrepreneur (dont acte. NdTémoin).
 La technique par cyanuration est utilisée par plus de la moitié des opérateurs miniers du globe . Selon une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) commandée par la direction de l’environnement [Deal] en date de février 2013 et menée en partenariat par la Deal et l’Office de l’eau  : « En 2000, 52% des exploitations mondiales y avaient recours. Une trentaine d’accidents ont été inventoriés ces 25 dernières années ». Les causes étant à 72% par rupture de digue, 14% par rupture de conduite, 14% lors du transport du cyanure).
Cela fait tout de même plus d'un accident par an, pour une technique que les entreprises déclarent sans danger... NdTémoin.


28/09/2014
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