ÉCONOMIE VERTE ET NÉOCONIALISME
19/03/2015
Source : www.une-saison-en-guyane.com/
« L’économie verte » promue par le gouvernement brésilien et les décideurs politiques à travers le monde sont atterrants. « Les projets affectent en premier les personnes dont les droits de citoyens ne sont plus garantis » déclare Dercy Teles de Carvalho Cunha, récoltante de caoutchouc et dirigeante syndicale dans l'Acre (un état brésilien de l'ouest amazonien), dans un rapport publié fin 2014 par un groupe d’ONG brésiliennes.
Le concept d’économie verte néglige le fait que ce sont les pollueurs industriels des pays riches, et non pas les paysans des pays pauvres, qui ont le plus besoin de réduire leur empreinte écologique. Ainsi, juge-t-elle sévèrement « Bolsa Verde », programme de protection environnemental accordant aux habitants de la forêt une allocation s’ils renoncent à leurs activités de subsistance.
« Maintenant, les gens reçoivent un peu d’argent chaque mois pour surveiller la forêt, sans pouvoir faire quoi que ce soit d’autre. Leur vie devient vide de sens… [Ils] perdent tout contrôle de leurs terres, ils ne peuvent plus pratiquer l’agriculture traditionnelle ni mener une vie normale ».
Dercy est présidente du Syndicat des travailleurs ruraux de Xapuri dont le fondateur Chico Mendes fut assassiné en 1988 pour s’être opposé aux éleveurs et exploitants forestiers. Son combat ne fut pas vain, puisqu’il permit de créer des dizaines de milliers d’hectares de réserves extractives, où les communautés vivent de la récolte du caoutchouc naturel tout en protégeant la forêt. Mais la nouvelle gouvernance en matière de conservation des forêts dans l’Acre aurait des effets pervers que dénoncent ses héritiers.
Depuis quelques années, l’Acre est présenté comme le modèle de l’économie verte avec la mise en place des dispositifs PSE et REDD (Paiement pour services environnementaux et Réduction des émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts) dans le but d’harmoniser développement économique et préservation de l’environnement. Pour cette raison, la Californie a signé avec cet État, en 2010, un accord sub-national qui permet aux industries polluantes californiennes de réduire leurs émissions en achetant des crédits compensatoires de carbone. Mais les groupes syndicaux de l’Acre, mécontents, ont qualifié l’initiative américaine de « néocoloniale ». « Une fois de plus, les anciennes puissances coloniales essaient d’accaparer une nouvelle matière première située dans les territoires des peuples du Sud, en l’occurrence les réserves de carbone », précise la lettre ouverte adressée aux responsables californiens en 2013.
Un même accord de 2010 signé entre l’État californien et le gouvernement du Chiapas (Mexique) a été vivement contesté par une forte résistance des organisations locales qui ont demandé à l’agence californienne de protection de l’environnement (CARB) et au gouverneur californien de le dénoncer.
La forêt sans ses peuples ?
Dans le rapport des ONG brésiliennes, l’Acre apparaît comme un état extrêmement inégalitaire et peu au fait des projets en matière d’économie verte. Faute de politiques publiques répondant aux besoins de base, les communautés sont contraintes de les accepter sans en avoir été informées au préalable. De nombreux témoignages des communautés indigènes, paysannes et extractives montrent comment, privés ou publics, ils aggravent les conflits territoriaux, affectent la capacité des communautés à maintenir leurs moyens de subsistance, et violent les conventions internationales des droits de l’homme. Criminaliser les activités de subsistance et revendiquer le contrôle privé des ressources forestières des communautés, bois ou CO2, constitue en effet une atteinte aux conventions des droits de l’homme dont le Brésil est signataire, et aussi à ses propres politiques nationales en matière de développement durable dans les communautés traditionnelles.
Dans sa conclusion, le rapport précise : « Dans les territoires qu’ils occupent historiquement, les peuples de la forêt sont exclus des décisions portant sur leur propre avenir ; pire encore, ils sont considérés comme des obstacles au développement et au progrès. À ce titre, les politiques de promotion de l’économie verte peuvent également être décrites comme un moyen de les intégrer au système dominant de production et de consommation. [...] Alors que garantir la diversité socioculturelle et les droits des peuples est, de loin, la meilleure et la plus durable façon d’appréhender et de ralentir le changement climatique, mais aussi la crise de civilisation qui menace la vie humaine sur la planète ».
http://www.ipsnews.net/2014/12/redd-and-the-green-economy-continue-to-undermine-rights/
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