ON NE NAÎT PAS MARRON, ON LE DEVIENT - La Chronique d'Olson (18)
26/08/2020
Il existe bel et bien une différence marron/assimilé, qui est à la fois culturelle, linguistique et bien sûr coutumière et je vais tenter, si besoin est encore, de le montrer. Mais je pose que cette altérité ne saurait en aucun cas justifier une quelconque hiérarchie, qu’elle soit éthique ou morale. Si l’on veut penser la relation duelle entre ces deux populations, il devient selon moi, nécessaire d’utiliser la dialectique du maître et de l’esclave telle que développée par Hegel dans la Phénoménologie de l’Esprit. Naturellement, une telle dialectique ne peut s’analyser qu’à travers le filtre du rapport dominant/dominé.
Or, face à d’autres dominants, il va se trouver confronté chez eux à l’attitude qu’il a déjà adoptée pour lui-même. Il se trouve donc dans l’obligation de trouver un être (ou un groupe de population) socialement moins intégré (moins assimilé ?...) que lui. Il devient dès lors facile d’en « faire » un inférieur en lui reprochant de ne pas adopter les mêmes comportements sociaux ou religieux, bref, de l’attaquer sur ce qui est sa spécificité propre.
Pour l’Assimilé, le Marron devient donc l’alium ego, l’interface entre son passé qu’il ne peut oublier mais qu’il souhaiterait étranger à lui et le semblable qui lui est trop identique pour qu’il puisse réellement s’en détacher. Il ne lui reste donc que la tentative d’une prise de distance afin d’échapper à l’implacable exigence d’une insupportable réciprocité. Grâce au Marron, l’Assimilé trouve un moyen d’échapper à la dialectique du Maître et de l’esclave. Car sans la possibilité de regarder vers les échelons de l’échelle sociale placés plus bas que lui, nul doute qu’il se verrait occuper lui-même la place de l’esclave, comme lors de ce passé qui lui fait horreur et dont il souhaite s’affranchir, fût-ce au prix de la répétition historique d’attitudes consternantes.
Sur des territoires d’anciens esclavages, la question de la lutte contre les pouvoirs et les institutions est sensible pour des raisons historiques et la question d’éventuels rejets radicalisés doit être regardée dans le contexte spécifique où elle est posée, c’est-à-dire en miroir des discours lénifiants et tranquillisants destinés à formater les comportements sociaux afin de décourager et discréditer toute contestation. Résister à l’assimilation, c’est refuser la dissolution dans un mode de vie où ses coutumes, ses dieux, ses esprits, n’ont pas de place, quand c’est en s’appuyant sur ces croyances mêmes que le Marron a forgé une société stable depuis trois siècles. C’est cette cohésion sociale qui est désormais l’enjeu du marronnage aujourd’hui. On le voit, l’antagonisme assimilé/marron est le moins naturel des processus sociaux mais il est, au contraire, culturellement construit. On ne naît pas Marron, on le devient… fût-ce au prix d’une lutte iconoclaste.
Olson Kwadjani
A découvrir aussi
- LES BUSINENGE : PEUPLE OUBLIÉ OU PEUPLE RELÉGUÉ ? la chronique d'Olson (1)
- MAMA KWATA REVIENT... la chronique d'Olson (9)
- RÉSISTANCE À L'ASSIMILATION : LES VALEURS MORALES - La chronique d'Olson (16)
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 93 autres membres