Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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AU BRÉSIL, C'EST LA CRISE (2)

20/06/2013

Le mouvement s'amplifie et fait tache d'huile

Source : l'excellent site de Benjamin Borghesio

http://www.borghesio.fr/archives/2013/06/17/27443677.html

 

Le mouvement de contestation, spontané, après avoir été lancé sur les réseaux sociaux, atteint tout le pays. Il dénonce la hausse du coût des transports publics, la facture du Mondial 2014 et la violence des forces anti-émeute paulistas qui avaient durement réprimé une manifestation similaire, faisant des dizaines de blessés. L' ampleur du protesto atteint celles des manifestations de 1992 contre la corruption du gouvernement de l'ex-président Fernando Collor de Melo.

1-copie-4.jpgOutre Rio et São Paulo, d'autres grandes villes dont la liste s'allonge de jour en jour sont touchées : Salvador de Bahia, Porto Alegre, Vitoria, Curitiba, Maceio, Fortaleza, Belém, etc.

2-copie-3.jpgLa principale manifestation s'est tenue à Rio, où 100 000 personnes se sont rassemblées. Si le début de la manifestation s'est déroulé dans une ambiance bon enfant, le centre de la ville a été en fin de soirée une scènes de guérilla urbaine, avec des pillages contre lesquels les manifestants pacifiques ont protesté. Un groupe de quelques dizaines de manifestants a pris d'assaut le parlement de l'Etat de Rio avant d'être dispersé par les policiers anti-émeutes. Des hommes du batalhão de choque de la police militaire ont fait usage de véhicules blindés de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, et ont procédé à plusieurs arrestations. 20 policiers et sept manifestants ont été blessés, dont deux par armes à feu.

Dans la capitale Brasilia, des milliers de jeunes se sont massés pacifiquement dans le quartier des ministères, après des heures de manifestation. Quelque 200 d'entre eux ont réussi à grimper sur le toit du Parlement.

3-copie-2.jpgA Sao Paulo, plus de 65 000 manifestants (Data Folha) ont défilé sans incident, bloquant l'immense avenue Paulista du centre de la mégapole. Un groupe qui tentait d'envahir le Parlement local a été arrêté par les gaz lacrymogènes de la police.

A Belo Horizonte, troisième ville du pays, la police a dispersé une manifestation près du stade où se déroulait le match Nigeria-Tahiti de la Coupe des confédérations de football, répétition générale en miniature du Mondial-2014.


L'objectivité commande de signaler que le mouvement est important et rencontre une sympathie générale, et les titres de la presse aux ordres du groupe Globo qui citent un total de 300.000 participants dans un pays de 200 millions d'habitants sont ridicules. Rien que la principale artère de São Paulo, qui représente plusieurs Champs Elysées, était noire de monde ! La grève générale prévue la semaine prochaine sera un indicateur objectif, gageons qu'elle sera massivement suivie, sauf si des concessions importantes sont faites dans les jours à venir.

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Qui sont les manifestants ?

80% des protestataires ne sont affiliés à aucun parti politique et aucun mouvement syndical, et leur niveau socio-culturel est plus élevé que la moyenne. C'est, pour la plupart, leur première implication sociale.

Ce sont pour beaucoup les fils et filles du peuple qui ont pu, au cours de la dernière décennie, accéder à la petite classe moyenne et à un niveau d'instruction qui dépasse le simple stade « basique ». On dépasse ainsi les précédentes émeutes de la faim qui naissaient parfois dans le passé à la suite d'une hausse du prix du riz et se calmaient tout aussi vite grâce à une augmentation de salaire : la protestation analyse le désordre structurel de la société.

 

3-copie-3.jpgUn peu d'analyse

Outre les revendications qui ont déclenché les incidents - la hausse des prix des bus sur laquelle les pouvoirs font marche arrière - il y a (et c'est inédit à un tel niveau), une réflexion sur la corruption dont le coût est évalué à 50 milliards de dollars, sur les dépenses somptuaires (entre la coupe et les JO, de 30 à 40 milliards de dollars pour des équipements souvent éphémères).

Sont directement mis en cause pour la première fois avec une telle acuité les politiciens népotiques et corrompus que chacun connaît au Brésil, dont Lula et Dilma n'ont pu (voulu?) se séparer : le système politique brésilien contraint à des coalitions et par exemple, le PMDB qui travaille avec le PT est dirigé par ces dinosaures de l'ère Sarney qui se maintiennent par achats de voix auprès de miséreux, et en maintenant leur population estadual dans un état de misère et de sous-développement culturel propre à la non-réflexion critique.

1-copie-5.jpgA São-Luis de Maranhão, sous l'impulsion du dit Sarney (ci-contre), politicien qui en son temps était parfaitement toléré par la dictature militaire (ça en dit long sur le personnage), qui s'est imposé comme vice-président du Sénat, il est plus facile d'apprendre à faire de la musique que d'apprendre à lire et on risque encore sa liberté, voire sa vie, à critiquer de manière trop ostensible les mœurs du cacique local qui a légué une partie de son pouvoir à sa fille. On comprend ainsi comment il se maintient contre vents et marée !

Les grandes entreprises d'abrutissement culturel sont également mises à l'index, à commencer par le groupe de télévision et de presse Globo (que Lula eut tort de ne pas nationaliser), qui réitère dans la désinformation en annonçant « 50.000 manifestants » à São-Paulo, quand le cortège couvre très largement une avenue représentant deux ou trois fois, en superficie, les Champs Elysées.

2-copie-4.jpgIl est paradoxal de voir ces médias habituellement acharnés à employer les pires armes - y compris celles de la diffamation - contre le pouvoir petista de Lula puis Dilma se porter vigoureusement à son secours par peur de l'inconnu. Il semble que la présidente qui, dans un premier temps, a tenté de s'émanciper de son glorieux prédécesseur l'appelle à la rescousse (rencontre médiatisée le 18 juin).

 

Pour la suite et malgré la croissance atone (autour de 1% ces deux dernières années), la solution passerait peut être par un gigantesque programme d'investissements fédéraux (le Brésil s'est débarrassé de sa dette publique extérieure) pour se lancer enfin dans la mise aux normes d'infrastructures calamiteuses: transports (le rail est à créer ou peu s'en faut, les routes à refaire, le transit aérien doit voir sa capacité doubler), énergie, éducation (en augmentant de surcroît les dépenses de fonctionnement: la condition de professeur est indigne au Brésil), santé, etc. Le Brésil, en retard dans tous ces domaines, ne dépense que 2% du PIB pour créer ou améliorer ses infrastructures... Autant dire qu'il recule d'année en année.

Autre grand chantier à engager: la simplification administrative dont on parle toujours sans jamais la réaliser. Elle freine l'esprit d'investissement et crée toutes les conditions pour que la corruption fleurisse (quand on multiplie les échelons où cela freine, on multiplie les goulets d'étranglement où il faut payer pour avancer...). Enfin, en mettant fin aux innombrables abus dont elle bénéficie (On a appris il y a deux ans que chaque député de l'Etat du Para (une assemblée locale !) pouvait embaucher aux frais du public plus de trente collaborateurs, sans avoir de compte à rendre quant à leur qualification et leur mission. La plupart, fort bien payés, n'avaient évidemment qu'un mandat fictif. Des exemples comme ça, il y en a des milliers.), la classe politique doit se réconcilier avec le peuple. Ces conditions sont strictement nécessaires sans être suffisantes. C'est le socle sur lequel la "statue" Novo Brasil pourra s'élever. Directement ou indirectement, la corruption coûte cinquante milliards de dollars par an au Brésil.

 

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- Quand je serai grand, je serai sénateur ou député...

- Moi, président ou ministre !!! et toi ?

- Voleur, également.

 

Enfin, il y a le problème du maintien de l'ordre et de la répression des manifestations - même s'il est absurde de nier les progrès faits en vingt ans (à cette époque on aurait déjà déploré des dizaines de morts). Chaque état dispose de sa police civile (très corrompue, chargée des enquêtes), de sa police militaire (patrouilles, maintien de l'ordre, corrompue également et très brutale) qui dispose de bataillons de choque dont nombre de ses membres, mal payés, qui font un métier dangereux (quand ils l'exercent consciencieusement) sont tout aussi en cheville avec les groupes mafieux. La police fédérale n'a de compétence que pour ce qui relève des délits interestaduais (corruption à cet échelon, trafic d'êtres humains dès lors que ceux-ci ont franchi une frontière interne, enlèvements, fausse monnaie, police des étrangers, etc.). Il faut encore ajouter la police rodoviaria federal, compétente sur les routes interestaduais. On comprend que cette complexité et cette imbrication des divers services, associées à une justice à la fois fédérale et estadual peu efficace et souvent corrompue également ne simplifie pas les choses.

De ce fait le « maintien de l'ordre » est assuré de manière très hétérogène selon les états, et il dépend autant du degré de formation des agents que de la volonté du gouverneur. Assez paisible dans le Mina Gerais, il a fait scandale par sa dureté à S. Paulo et les mauvais souvenirs liés à la dictature (qui ne datent guère que d'un quart de siècle) renforcent les distances entre les citoyens et leurs polices... surtout qu'en cas d'abus voire de « bavure », leurs membres sont encore jugés par une justice militaire qui est à la justice ce que la musique militaire est à la musique (pour reprendre le mot de Clemenceau).

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Avant-hier, les manifestations de Belém, il est vrai paisibles (mais cela durera-t-il ?), auraient donné lieu à des scènes qui frôlaient la fraternisation entre les foules et la police. Ailleurs, les balles en caoutchouc pleuvaient, de même que les tirs tendus de grenades. Il est important de savoir que le pouvoir fédéral de Dilma n'a aucune prise sur ce paramètre... Même si on l'en tient souvent pour responsable.

 

Et lui, ci-dessous, c'est un croc-en-jambe qui lui a fait ça ?

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Et... la contestation

commencerait-elle

à présent

à mettre en cause

O rei futebol ?

 

Un grand merci à Benjamin Borghesio dont la richesse du blog m'a permis de vous présenter un peu ce qui se cache sous la surface des choses, et dont les médias ne vous parlent pas (sauf Arte dans son excellente émission d'actualité -hélas trop courte- intitulée 28 minutes. Celle diffusée hier soir 19 juin portait justement sur ce sujet).

http://www.borghesio.fr



20/06/2013
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