PENDANT LES PALABRES LES SUICIDES CONTINUENT
28/11/2013
Peuples amérindiens :
en France, on ne crée pas des réserves,
mais des parcs... L'honneur est sauf !
Alors que le Parc Amazonien de Guyane (PAG) vient de changer le président à la tête de son Conseil d'administration, on reparle surtout de l'échec de l'éradication de l'orpaillage clandestin dans son zonage (dans la foulée une motion a même été prise dans ce sens), et de l'incompréhension de certains maires sur le choix des orientations de la charte du PAG. Est-ce pour ces raisons que la direction du CA a été confiée à la représentation d'un triumvirat associatif, sans une représentation d'élus locaux ?
Désaffection ou manque d'intérêt, de responsabilité, ou absence de vision globale ? Stratégie de l'État ? Quoiqu'il en soit, pas un mot sur les conditions de vie dégradées des villageois du Maroni et de l'Oyapock.
Le suicide en ce dimanche de novembre de cette jeune amérindienne de Trois Sauts (deux autres jeunes du village Balaté à Saint-Laurent du Maroni sont passés à l'acte depuis) nous revient comme un boomerang à la figure pour nous rappeler l'évidence d'un autre échec du PAG, passé souvent sous silence grâce aux colmatages médiatiques, celui des orientations non adaptées à la réalité de vie de ces citoyens français vivant selon un mode ancestral de droit coutumier.
La France a toujours refusé de reconnaître ces modes vie en refusant systématiquement de signer la ratification de la convention 169 de l'OIT (Organisation Internalisation du Travail), reconnaissant ainsi le droit des peuples indigènes et tribaux. De même, l'adoption de la résolution de l'ONU sur les langues minoritaires n'a toujours pas été ratifiée.
Présenter ses « sincères condoléances » ne suffit plus. Trois jeunes sont décédés en un mois. Il faut désormais des réactions sincères.
Comment répondre aux aspirations quotidiennes de ces personnes à la notion de bien-être, quand c'est une vision occidentale, sans concession, qui leur est imposée ?
Comment répondre aux besoins essentiels de ces peuples quand c'est une attitude occidentale économiste de la préservation et du développement durable qui prime sur les connaissances ancestrales ?
Depuis les nouvelles lois de 2006, le PAG a vocation à soutenir le développement durable qui allie conservation et développement, mais il ne reste pas moins l'établissement public d'un État qui instaure ses propres orientations, applique son propre mode de fonctionnement parfois au détriment de l'enjeu local et des populations résidantes. D'ailleurs l'État, à l'époque de la création du PAG, en choisissant, lui-même le président et en nommant le directeur de droit, avec la complicité de certains élus locaux, mettait dès le départ l'établissement dans une situation bancale. On ne peut pas en effet exclure la démocratie représentative pour manœuvrer à sa manière, selon ses propres règles et des intérêts non justifiés par les acteurs locaux.
On peut donc dire que la concertation n'a pas été à la hauteur des attentes car elle est nécessaire à la participation des parties prenantes à l'élaboration des décisions. C'est une démarche volontaire et sincère qui seule permettra une stratégie commune pour le développement durable des territoires.
Un état dans l'État ? Chacun pourra en juger mais en se rendant sur les territoires du parc on comprend aisément les frustrations de la population. L'outil est devenu une contrainte. Les concepteurs n'ont pas su l'adapter à l'utilisation dans un milieu spécifique et les habitants qui auraient dû en être les animateurs semblent être perdus car laissés de côté.
Le matériel n'a pas su s'adapter à l'immatériel. Le PAG est un outil particulier dans nos politiques de la préservation et de la valorisation de notre patrimoine car il appelle aussi au positionnement prospectif et circonstancié des élus guyanais pour une meilleure appréhension de ce patrimoine naturel sans oublier la place de l'humain dans ce processus. L'homme doit être au centre des préoccupations car il peut être à la fois vulnérable, à la fois prédateur féroce.
Le territoire du Parc national de Guyane a été habité, a été traversé en long et en large, a été cultivé depuis des millénaires par les premiers habitants de ce territoire : les peuples autochtones du plateau des Guyanes. Ils n'ont pas attendu la création d'un outil de conservation pour faire de la préservation et la valorisation de la biodiversité leur mode de vie. Ils sont la valeur ajoutée de ces territoires, leurs connaissances pragmatiques sont sans égales sur la planète. Ils ont toujours su tirer profit de la nature et respecter son esprit.
Pourtant... Nous causons chaque jour un peu plus leur perte et, à terme, leur disparition complète.
Aujourd'hui les nations amérindiennes sont méprisées, sacrifiées à l'autel d?une société de consommation créatrice d'une multitude de besoins non satisfaits, renvoyant à chacun ce sentiment de pauvreté et de dépendance. Pauvreté intellectuelle, matérielle, une vie sans issue, une mésestime de soi, une fatalité.
Si, actuellement, l'orpaillage clandestin semble cristalliser la conscience de la société civile, des élus aux associations environnementales et j'en passe, personne ne met en avant les suicides de ces populations. Les chiffres sont parlants et laissent pantois. « Si le taux de prévalence du suicide en Métropole était le même que sur le Haut-Maroni, il y a aurait 300 000 suicides par an (contre moins de 11 000), soit autant que d'habitants en Guyane ».
Le turn over de services de l'Etat en Guyane, des préfets, les politiques changeantes au gré des gouvernements successifs et du petit jeu calculateur de nos édiles locaux ne sont pas d'ordre à rassurer les populations guyanaises autochtones sur leur avenir et sur celui du territoire que nous empruntons à nos enfants.
Laisser mourir la jeunesse guyanaise dans cette violence, sans réagir, c'est nous refermer sur nous-mêmes et laisser place à l'indifférence, au détriment de notre humanité et de notre identité humaine.
D'accord pour hurler contre l'orpaillage clandestins et ses conséquences mais mobilisons nous aussi pour crier notre rage contre l'immobilisme face aux suicides des jeunes amérindiens de Guyane.
Lors de sa prochaine venue en Guyane le président de la république devra bien entendre notre rage contre l'immobilisme face aux suicides des jeunes Amérindiens.
Voir le dossier du Témoin sur le suicide des jeunes Amérindiens :
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