Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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CHARTE DU PARC AMAZONIEN DE GUYANE : C'EST NON !

23/02/2013

Quand la population prend la parole

 

Une enquête publique est en cours, qui doit légitimer non pas l'existence même du Parc, mais son fonctionnement et partant, sa fonction même.

Rappelons, dans ses grandes lignes, la genèse de ce Parc : L'idée est d'avoir deux zones, une de "libre adhésion", l'autre dite "zone coeur". Libre adhésion signifiant accès peu réglementé, non protégé des prédateurs tels que braconniers et orpailleurs. Les amérindiens au début étaient contre l'installation du Parc, la plupart de leurs villages se trouvant exclus de la zone coeur, donc exposés à toutes sortes de prédations. Par la suite leur accord a été obtenu à force de promesse d'extension de la zone coeur. Bien sûr, les promesses n'engageant que ceux qui y croient, ils se sont retrouvés de fait positionnés, après un redécoupage aussi furtif que virtuel, en zone de libre adhésion. De fait, leurs criques sont polluées par le mercure, leurs moteurs de pirogue sont dérobés par les orpailleurs, etc. etc. Il faut savoir également que le président du Parc est le maire de Saül, commune de l'intérieur mais lui-même domicilié à Cayenne...

Une charte régissant différentes missions et fonctions du Parc est donc soumise à consultation par enquête publique.

Des pressions et manipulations sont exercées par différents administrateurs du Parc pour obtenir l'approbation des chefs coutumiers. L'arrosage au tafia n'est pas la moindre de ces pressions.

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Yves Tolinga, fils du défunt Gaan Man Tolinga qui vit à Papaï Chton, en plein coeur du pays Boni, décide de redonner la parole à ceux qui en sont le plus souvent privés : la population elle-même.

 

Avis de la population de PAPAÏ CHTON

concernant la charte du Parc amazonien de Guyane

Considérant que la Région, le Conseil général, le CCPAB, les chefs coutumiers se sont prononcés sur la charte du Parc amazonien,

Considérant que beaucoup de gens, (soit parce qu'ils n'ont pas été scolarisés ou parce qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment le français) ne sont pas en mesure d'exprimer leur point de vue, légitimement, par écrit, au cours de l'enquête publique et qu'il y a donc là manifestement une injustice à combler car la méthode utilisée n'est pas adaptée à la population visée,

Considérant que la population BONI est majeure et qu'elle n'a pas à laisser à d'autres le soin de décider de son sort car elle est la première concernée par les conséquences du Parc amazonien,

Considérant que « ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement » et qu'au contraire la charte est incompréhensible de l'avis même d'un agent du Parc qui parlait sur les médias de « déchiffrage » et qu'il serait donc suicidaire de donner son accord à un document que l'on ne comprend pas,

La population décide de faire entendre sa voix au moyen de la présente pétition.

La population considère qu'il ne devrait pas y avoir le moindre représentant du Parc amazonien, du Conseil général, de la Région ou d'une quelconque mairie au sein de la CCPAB car il n'y a pas de représentant de la population dans ces structures.

Les communes, le Conseil Général, la Région ainsi que toutes les autres structures disposent d'un budget de fonctionnement. La population s'étonne que le CCPAB (Conseil Consultatif des Populations Amérindiennes et Bushinenge) ne soit pas doté d'un fonds lui permettant de remplir ses missions surtout quand un haut responsable du Parc se permet de reprocher au président du CCPAB de ne pas informer la population. Par conséquent, la population exige que cette injustice soit réparée et que le CCPAB soit doté des fonds nécessaires à son fonctionnement.

Les Boni devront pouvoir continuer à vivre comme par le passé. Cela suppose qu'ils puissent circuler librement, chasser, pêcher, faire leurs abattis, construire leurs pirogues etc.

Considérant que ce sont les Boni qui ont découvert l'or sur le Maroni, on ne peut imaginer un seul instant qu'il leur soit interdit de pratiquer l'orpaillage car ni la mairie, ni les autres collectivités, pas plus que l'État ou le Parc ne peuvent procurer du travail à toute la population. Notons au passage que l'antenne du Parc à Papaï Chton employait une jeune femme à temps partiel. Son contrat n'a même pas été renouvelé ! Où est l'égalité s'il n'y a même pas une femme au sein de cette structure ? Il y a des femmes à l'école, au dispensaire, à la mairie, à la poste sauf au Parc. La loi exige la parité homme/femme dans les municipalités et il n'y en a pas une au Parc ! La charte n'a même pas encore été signée et on refuse de renouveler le contrat d'une personne. Qu'en sera-t-il lorsque la charte aura été signée ?

À l'heure où on est passé d'un septennat à un quinquennat, la population estime que la validité de la charte ne peut être de dix ans. Elle doit être réduite à trois ans.

Il y aurait de la lâcheté à se laisser déposséder, par un simple tour de passe, sans opposer la moindre résistance, de la lâcheté aussi à se laisser imposer sa loi par l'oppresseur car tout se résume finalement à cela dans cette histoire de Parc et de charte.

La charte ne peut être signée sans la garantie d'une contrepartie profitable à l'ensemble de la population et non à quelques privilégiés :

Est-ce normal que les gens aillent chercher leur courrier à la poste ? Il n'y a que dans la vallée du Maroni qu'on observe des injustices aussi manifestes ! Le citoyen fait le déplacement en déboursant des sommes exorbitantes et en arrivant à la poste, apprend quil n'a pas de courrier ou que celui qui distribue le courrier n'est même pas venu !

Il est indispensable, en effet, qu'il y ait un hôpital dans la commune de Papaï Chton car la mairie de Cayenne refuse que les Boni qui décèdent à l'hôpital de Cayenne soient inhumés à Cayenne. Or les gens ne demandent pas à aller mourir à Cayenne.

L'implantation d'une pharmacie à Papaï Chton est une nécessité car lorsqu'on est malade, on doit payer 40€, voire même 50€ en période de sécheresse, pour se rendre à Maripa-Soula afin de se procurer les médicaments. De plus, on n'est même pas sûr d'avoir les produits.

Il est difficilement compréhensible qu'il n'y ait pas un seul lycée dans toute la vallée du Maroni. Cet établissement pourrait voir le jour à Papaï Chton.

Un terrain d'aviation est un impératif puisqu'il n'y a pas de route entre Papaï Chton et la côte. La moindre des choses est que l'État et les collectivités mettent en place les infrastructures nécessaires à la population car les gens ont le droit de circuler.

Pour toutes les raisons invoquées plus haut, la population émet un AVIS DÉFAVORABLE concernant la charte du Parc amazonien.

Fait à Papaï Chton le 12 janvier 2013

 

La présente pétition engage la population locale. Il n'est donc pas lancé d'appel massif à signature.

 



23/02/2013
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