GUYANE : CULTURE ET FORMATION
03/03/2015
Source : www.lekotidien.fr édition du 3/3/15
La statistique concernant les jeunes en difficulté de lecture doit nous interpeller. Au vu des tableaux de bord publiés par la FEDOM (Fédération des Entreprises d'Outremer) issus eux-mêmes de données INSEE et de l'Education Nationale, la part des jeunes en difficulté de lecture atteint pratiquement 47% en 2013 pour la Guyane (44% en 2009). Si le pourcentage reste stable (25,7 en 2009, 25,8 en 2013) pour les jeunes en grande difficulté, il n'en reste pas moins préoccupant.
Et le journaliste continue :
« Comment parler de développement si nous ne sommes pas capables de mettre nos enfants en position de réussite minimum ? Ici on ne peut même pas parler de qualification, simplement d'être capable de s'intégrer dans la société en comprenant le monde qui nous entoure. Comment parler d'intégration sans lecture, et fatalement sans écriture ?
« Au moment d'entamer la campagne pour l'Assemblée Unique (CTG), nos politiques seraient bien inspirés d'avoir des propositions qui ne soient pas seulement d'augmenter le nombre de structures d'enseignement (quoique... moins d'élèves par classe, ça pourrait aider à fournir un enseignement plus individualisé à des élèves en difficulté, NdTémoin) mais bien de décréter la culture comme le premier combat pour la Guyane de demain ».
Tentative de définition de l'idée de CULTURE :
En sociologie, la culture est définie [...] comme « ce qui est commun à un groupe d'individus » et comme « ce qui le soude ».
L'UNESCO a proposé une définition de la culture lors d'une conférence mondiale à Mexico en 1982 que je propose à votre réflexion : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».
Suite de l'article :
Et aujourd'hui où est cette culture commune ? Elle existe mais pour combien ? 15% ? 20% ? 25% de la population ? Comment voulez-vous intéresser qui que ce soit à l'avenir de la Guyane sans vous préoccuper du degré de compréhension des uns et des autres ?
Il faut avoir peur du débat politique qui s'ouvre, avoir peur de sa pauvreté et de la place ridicule qui risque d'être laissée à cette donnée fondamentale qu'est le socle commun et minimum des connaissances.
Qui osera proposer un plan d'envergure pour faire en sorte de ne pas laisser au bord de la route près d'un jeune sur deux. Qui osera dire que ce jeune acculturé est le terreau parfait pour devenir une mule qui transportera de la cocaïne comme si c'était dans un jeu vidéo, parfait pour entrer dans un monde où l'avenir ne s'écrit pas, un monde parfait pour écouter tous les prêcheurs qui appellent à la violence. Il ne suffit pas de vouloir emmener les jeunes au Bac pour qu'ils deviennent des adultes, il ne suffit pas d'encenser notre jeunesse si nombreuse pour en faire une société, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir.
La réussite de la jeunesse de Guyane est un défi ? Soit, mais encore faudrait-il que cela soit autre chose qu'un vœu pieux car, dans le cas contraire, nous nous préparons à des lendemains qui déchantent. L'Education Nationale a certes sa part de responsabilité mais elle ne doit pas être seule sur ce terrain, nos futurs élus devront montrer l'exemple. Faisons leur confiance, ils savent si bien lire, écrire et parler (parler, surtout ! NdTémoin)…
Thierry Maquaire
Le grain de sel du Témoin : Je comprends le (juste) mécontentement de ce journaliste. Je ne peux cependant m'empêcher de formuler quelques commentaires à son discours :
« décréter la culture comme le premier combat pour la Guyane de demain » : j'applaudis des deux mains. Cependant, où se trouve ce qui est commun et et qui soude les Guyanais, dans un territoire où l'on refuse à plusieurs groupes sociaux le droit d'employer leur langue à l'école et jusque dans certains clubs sportifs ? Tant que le français restera une langue impérialiste et centralisatrice, tant que le créole restera la langue exclusive de ceux qui se disent seuls Guyanais, nous aurons effectivement près de 50% de nos jeunes qui arriveront sur le marché du travail en grande difficulté de lecture et seront condamnés à prendre de petits jobs, à défaut de vrais emplois trop rares chez nous pour ne pas être réservés aux ressortissants de la population dominante.
Nos politiques seraient bien inspirés de décréter la mise en œuvre d'une école accueillante, « bien-traitante », qui ne stigmatise pas les enfants issus d'une autre culture que la dominante.
Nos politiques seraient bien inspirés de mettre en place des filières professionnelles qui préparent les jeunes filles à d'autres emplois que de secrétariat alors que leurs enseignants ne leur ont pas appris à écrire une ligne sans faute, qui préparent les jeunes gens à de vrais emplois qualifiés qui leur permettent d'élever leurs futurs enfants sans craindre les lendemains qui déchantent.
Encore faudrait-il que es emplois existent.
Nos institutions territoriales seraient bien inspirées de ne pas limiter les aides à la création d'entreprise aux seuls Guyanais autoproclamés, à l'exclusion des populations autochtones. Divers groupes de population partagent, en Guyane, un passé commun. Créoles, Businenge et Amérindiens ont été confrontés à un moment de leur histoire à cette abomination qu'a été l'esclavage. Que ne peuvent-ils se forger un avenir commun ?
Nos politiques seraient bien inspirés, durant les débats qui précèderont (espérons-le) la mise en place de l'assemblée territoriale unique, de proposer un travail de mémoire tout d'abord, d'élucidation ensuite.
C'est à ce prix que la paix sociale s'installera durablement chez nous. Afin que chacun, dans sa langue s'il le souhaite, puisse dire : « Je suis fier de mon pays, la Guyane ! C'est là que je vis bien ».
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