INDÉPENDANCE ET AUTONOMIE
14/04/2022
L'indépendance est la situation d’une nation, d’un pays ou d’un État dans lequel la population, par le truchement de ses représentants, exerce l'autogouver-nance, et habituellement une souveraineté totale sur son territoire. Ces termes peuvent être utilisés pour décrire un peuple capable d'exercer toutes les fonctions du pouvoir sans l'intervention d'une autorité s'ils ne peuvent eux-mêmes la contrôler ni la changer. L'autogouvernance est alors associée à des contextes tels que la fin du colonialisme, de la monarchie ou de l'absolutisme d’une dictature. C’est donc d’une possibilité d’accès à l’autonomie qu’il s’agit.
Par glissement sémantique, on pourra évoquer le terme d’autogouvernance lors de l'accès à l'autonomie pour des groupes religieux, ethniques ou régionaux qui se considèrent comme non représentés ou sous-représentés dans un gouvernement national.
L’autonomie peut se définir comme la capacité à agir par soi-même, à choisir par soi-même et à penser par soi-même[1]. En politique, c’est la possibilité, pour un territoire ou une communauté de s’administrer librement à l’intérieur d’un cadre défini par un pouvoir central ayant une compétence plus large. C’est dire que le droit local est limité par le cadre politique, constitutionnel ou administratif dudit pouvoir central. Pour que l’autonomie puisse s’appliquer à un peuple ou même à un groupe social, il y a donc nécessité pour la collectivité de se doter d'institutions et de pouvoirs lui permettant de gérer les affaires qui lui sont propres, sous le regard mais sans interaction dudit pouvoir central. Cette ressource dépend des « appuis de socialisation » et des conditions politiques qui la rendent possible.
On parlera d’autonomie partielle pour un territoire ou pour une communauté qui disposeront de pouvoirs étendus dans la culture, l’éducation, certains secteurs économiques, à l’exclusion de tout domaine régi par le droit régalien (Monnaie, Défense, Affaires étrangères.
L’autodétermination est un principe issu du droit international selon lequel chaque peuple dispose ou devrait disposer du choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique, indépendamment de toute influence étrangère. L'exercice de ce droit est en général lié à l'existence d'un État spécifique au peuple en question, État dont la pleine souveraineté est souvent envisagée comme la manifestation de la plénitude de ce droit. Il s'agit d'un droit collectif qui ne peut être mis en œuvre qu'au niveau d'un peuple. De fil en aiguille, la question suivante s’impose d’elle-même : qu’est-ce qui fait qu’un groupe d’individu fait peuple ?
La plupart des définitions que l’on trouve définit un peuple comme un groupe d’individus habitant un même territoire. Acceptons cette interprétation le temps de la jeter à bas, ce qui va être facile. L’on ne saurait se satisfaire d’une telle explication.
Quid alors d’une famille bretonne ou d’une autre, corse par exemple, expatriées aux États-Unis ? Ces familles vont-elles pour autant être considérées comme américaines ? Un étudiant africain fréquentant l’université de Besançon fera-t-il partie du peuple français le temps de son cursus avant de revenir dans son pays d’origine ?
On le voit, cette définition présente plus de creux que de relief.
D’autres liens doivent obligatoirement venir unir des populations vivant sur un même territoire pour que l’on puisse évoquer un peuple. Parmi ces liens, on pourra faire référence à une culture (l’ensemble des croyances communes, la connaissance d’une origine ou d’un passé commun, etc.), à un mode de vie ou à des mœurs fédérateurs, à la langue… Ramenés à la Guyane, regardons quels sont ces liens qui pourraient permettre aux différentes communautés en présence de faire peuple.
La culture, les cultures, les langues… et les mœurs
Il suffit de marcher dans les rues d’une ville (hors Cayenne, peut-être, peuplée majoritairement par une middle-class créole post-départementalisation), Saint-Laurent du Maroni, peut-être. Du quartier nommé Petit-Paris jusqu’à Balaté, Il aura été possible d’entendre au moins une dizaine de langues différentes. La concentration linguistique la
plus dense est perceptible lorsque l’on fait ses courses au SuperU, un haut-lieu de brassage ethnique et linguistique où se côtoient ou font la queue aux caisses les Français de métropole, des Businenge tous groupes sociaux confondus, des Amérindiens, principalement Kali’na mais pas seulement, les Chinois hakkas, des Coolies de toutes origines du sud asiatique, sans oublier les
Brésiliens, les Surinamais, les Guyaniens et tous les hispanophones issus du Venezuela, de la Colombie ou du Pérou. Ceux qui ont l’oreille attentive et analytique entendront également, en plus du créole guyanais, les langues créoles issues des diverses Antilles, bien sûr de la Martinique, mais notamment d’Haïti. Le Super U est un vrai lieu de communauté de pratiques, un endroit où pourrait se laisser entrevoir quelque chose qui ressemblerait au bonheur d’être ensemble, en poussant un caddy bien rempli, au moins une fois par mois.
On le voit, c’est donc plus d’une vingtaine de communautés qui cohabitent sur ce territoire français d’Amérique du Sud, et tout autant de cultures, de langues et de dialectes. Ce lien pourrait, sur un territoire décolonisé, ne pas être un facteur bloquant et même, peut-être, mis à profit comme une richesse en termes de partage culturel, un levier fédérateur.
Mais pour ce qui est de la culture comme pour les autres diversités, la richesse ne viendra que du partage. Peut-on dire que les langues en Guyane sont partagées ?
À cause de la proximité obligée dans les villes ou dans les quelques entreprises comptant de nombreux employés, les langues des voisins ou des collègues sont utilisées fonctionnellement mais non partagées. Quels débats d’idées s’appuient sur des échanges passant d’une langue à l’autre ?
Certaines notions, certains concepts existent dans telle langue et non dans telle autre, et c’est bien de ces apports-là que pourrait naître de l’intelligence collective ! Il est u n fait remarquable, et l’évoquer me sera peut-être reproché, c’est qu’en pays colonisé, le colon est souvent le seul à ne parler qu’une langue : la sienne.
L’on risque malheureusement les mêmes constats si l’on regarde les coutumes et les traditions des différents groupes de population, les rapports entre hommes et femmes au sein de ceux-ci, les habitudes alimentaires… Et même le rapport à la nature n’est pas fédérateur.
Le colon n’hésite pas à faire entrer en Guyane des entreprises multinationales qui se préparent à dévaster l’environnement sans aucune arrière-pensée (Montagne d’or). Il développe également des activités exogènes même s’il doit expulser pour cela des populations installées à Malmanoury (le CSG). Le Centre spatial guyanais sera l’occasion d’identifier ce que l’on appelle désormais le syndrome hollandais[1] En outre, de riches dynasties familiales accaparent les richesses du sous-sol guyanais sans aucune contrepartie pour le reste de la population, quitte à polluer criques et nappes souterraines.
[1] Il s’agit d’un déséquilibre économique désormais connu, dont une des conséquences est le renforcement de la dépendance coloniale.
Alors, autonomie ou indépendance ?
Si l’autonomie est une posture, l’indépendance est essentiellement politique. Elle doit se décliner aussi sous différentes formes :
- L’indépendance monétaire ;
- L’indépendance économique ;
- L’Indépendance énergétique : ressource en approvisionnements, etc.
- L’indépendance de sa propre défense nationale.
Ne nous leurrons pas : le choix entre indépendance et autonomie est un mauvais débat. Commençons par décoloniser nos esprits, nos corps, notre pays. Le syndrome hollandais nous le dit bien.
Peut-on apprendre l’autonomie dans la dépendance ?
Peut-on apprendre l’indépendance sans l’expérience de l’autonomie ?
OKwadjani
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