LUTTES ET RÉSISTANCES EN PAYS AMÉRINDIENS (1)
14/11/2013
Quand tout semble perdu,
les pots de terre résistent encore
contre les pots de fer...
En Équateur, ce sont Chevron et Texaco qui empoisonnent impunément la terre quechua. Au Brésil ce sont les Yanomami qui luttent contre la promesse de voir leurs terres ancestrales englouties par le barrage du Belo Monte, menaçant de « dilution » plus de quarante mille personnes qui iront s'engouffrer dans le couloir de la dé-culturation. La forêt amazonienne est rongée par le sud afin d'inonder la planète de soja "monsantien", après avoir stérilisé le sol avec les déjections de millions de bovins seule cette saleté de soja modifié pouvant pousser là. Ailleurs, partout en Amérique du sud, les Indiens se battent pour tenter de sauver leurs langues, leurs cultures. Car, ne l'oublions pas, lorsqu'une langue meurt, c'est un mode de pensée qui meurt aussi, c'est un peu de l'humanité qui est en nous qui s'éteint. Si les peuples pensent différemment, c'est bien parce qu'ils ne parlent pas la même langue. Imaginons une humanité qui parlerait américain, ou encore qui parlerait et penserait cantonais ou russe...Nous avons perdu les patois de nos grand-parents, voulons-nous aussi perdre nos langues régionales au profit d'un parler formaté, véhiculant une pensée unique ?
Je reviendrai à l'occasion sur les langues dites minoritaires, terme bien réducteur auquel je préfèrerais celui d'alternatives, ou un autre qui reste à trouver...
Je vous ai, par le passé, présenté des livres montrant les résistances menées par ces peuples autochtones, seuls ou aidés parfois par des personnalités du monde occidental qui ont compris que la survie des uns passe obligatoirement par la survie de tous. À un moment ou les amérindiens de Guyane voient, eux aussi, leur survie gravement mise en cause par l'orpaillage et le choc culturel avec une société qui ne leur laisse qu'une place congrue (encore deux suicides de jeunes amérindiens par chez nous la semaine dernière), il m'a semblé intéressant de vous recommander de nouveau ces trois livres qui vous en diront beaucoup plus (et beaucoup mieux) que tous mes discours. Voici le premier.
WAYANGA : Amazonie en sursis
Sans cesse, les Blancs sont allés sur la terre des Indiens pour les escroquer, pour les massacrer. Et encore aujourd'hui les Blancs continuent d'abuser de nous. [...]
Les Blancs doivent penser à nous, à nos coutumes, à notre forêt. Nos terres sont les dernières du Brésil à être encore vertes. Et les Blancs veulent tout de même les détruire. [...]
Nous avons besoin d'aide. C'est pour cela, Mopkwoy, que je te donne ma parole. Tu dois bien l'étudier et la diffuser autour de toi. Ainsi, je l'espère, certaines personnes voudront nous venir en aide.
Ropni Metyktire
Emilie Barrucand séjourne fréquemment au Brésil, chez les Indiens Mébéngôkre (Kayapo), Pareci, Irantxe, Bororo, Juruna, elle est l'amie de nombreux grands leaders politiques autochtones. Ils lui ont confié leurs problèmes, leurs besoins, leurs espoirs et lui ont demandé de les soutenir. De là est née l'idée d'organiser des rencontres interethniques qui se dérouleront dans les villages indigènes de l'Etat du Mato Grosso, afin que ces derniers puissent s'entraider et lutter ensemble contre les menaces qui pèsent sur eux. Le projet s'intitule "Solidarité interethnique". Émilie Barrucand a parallèlement créé l'association Wayanga. Au c?ur de la forêt tropicale, elle va alors rejoindre les Indiens Mébéngôkre Métyktire, l'un des peuples indigènes les plus guerriers d'Amazonie, pour mettre en ?uvre le projet. Quelques années auparavant, elle rencontrait l'un d'eux. Un grand chef. Il l'invitait dans son village. Elle devenait sa fille adoptive.
Elle a dû s'adapter aux coutumes et au rythme de vie de la communauté, prouver qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions et apprendre la langue avant que ses membres l'acceptent et qu'une complicité naisse entre eux. Depuis, elle s'est engagée aux côtés des peuples indigènes dans leur lutte pour le respect de leurs terres, de leurs droits et de leur culture.
Du fait de son engagement politique, bien qu'elle soit une femme, les hommes acceptent sa participation aux grandes discussions qui se déroulent, au centre du campement, sur la "place des Hommes". C'est en ce lieu qu'ils mettent en place le projet de rencontres interethniques et choisissent la personne qui en sera responsable au sein de la communauté.
Utilisant habilement ses connaissances anthropologiques et politiques qui, mêlées à ses propres émotions, nous entraînent de la souffrance à la joie, de la peur à l'espoir, du jeu à la guerre, Emilie Barrucand dresse un portrait bouleversant de la situation des Indiens du Brésil.
Ethnologue engagée, Emilie Barrucand est présidente de l'association Wayanga qui s'investit dans la défense des droits, des cultures et des terres des peuples autochtones d'Amazonie brésilienne. Elle travaille depuis plus de douze ans auprès de différentes associations autochtones locales.
Je me répète sans doute, mais ce bouquin est incontournable pour tous ceux que l'avenir des peuples minoritaires intéresse. Vécu, écrit par une jeune ethnologue adoptée par un chef amérindien du Brésil, cet ouvrage nous fait considérer de l'intérieur les enjeux liés à la perpétuation ou à la mort des cultures autochtones. Chez nous, en Guyane, nous sommes peut-être en passe de franchir le point de non-retour...
En vente dans toutes les bonnes librairies (15 à 18 €)
ou au cherche midi, éditeur
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