Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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MADAME LA MINISTRE DE LA FRANCOPHONIE

02/05/2013

Une langue morte ?

       

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- Il est bon que l'on débatte de la francophonie.  

- Il est bon que l'on se pose la question de l'accès au savoir, quelle qu'en soit la langue véhiculaire.  

- Il est bon que l'on s'interroge sur la (les) manière(s) de rendre nos étudiants plus performants.  

 

Toutes ces bonnes assertions, posées dans un contexte marchandisé, n'attirent pas mon adhésion. Je souhaiterais vous livrer la pensée de Michel Serres à ce propos :  

« Une langue n'est vivante que si elle peut tout dire. Si l'on délègue à une autre langue le droit exclusif d'enseigner des pans entiers de connaissance, ceux-ci sont effacés peu à peu de notre corpus et notre langue ne peut plus tout dire. Elle est virtuellement morte ».  

       

Ainsi donc la langue serait, selon Michel Serres, le véhicule de la matière même qui la maintiendrait en vie, à savoir la connaissance.  

    En allant plus loin dans sa pensée, un savoir acquis se conjuguant avec un autre savoir donne lieu à de la connaissance destinée à être enrichie ultérieurement d'autres savoirs. Pour faire court, l'humanité s'est vue doter comme destin incontournable du partage de la connaissance qui est la condition vitale du progrès. C'est ce qu'ont bien compris les populations Businenge de Guyane et du Suriname qui ont un proverbe qui dit : wan sama sabi a no sabi (le savoir d'un seul n'est pas un savoir). C'est donc dans cette capacité à partager le savoir (l'enseignement) et la connaissance (le débat, la recherche) que nous maintenons en vie la part humanitaire de notre langue.  

    Alors, plutôt que d'abandonner ce monopole à une langue dominante, ne serait-il pas plus sage, plus dynamique de nous doter des outils linguistiques adaptés à ce partage, que l'on voudrait égalitaire, des connaissances, de toutes les connaissances ?  

    C'est au nom de ce droit élémentaire à penser et à concevoir dans sa propre langue que je revendique la possibilité pour tous les enfants de Guyane de pouvoir être accueillis dans une école bientraitante à cet égard. Tous ces enfants issus des populations Businenge, Amérindiennes, Brésiliennes et de beaucoup d'autres, actuellement malmenés par une « francophonie exclusive et mal pensée » doivent pouvoir bénéficier de ce droit.  

Rappelons-nous le sort réservé dans les écoles de la République aux petits bretons, basques ou autres... Ce n'est que par l'action militante et combattante que certaines langues echapperont -peut-être- à la disparition ; d'autres n'y arriveront pas. Devrons-nous reproduire en Outre-mer les erreurs commises dans l'Hexagone autrefois ?  

       

    Madame la Ministre de la Francophonie, votre mission est ardue, je n'en doute pas, mais vos objectifs sont tout à fait clairs :  

- Tout d'abord garantir à à la langue française la préservation de sa capacité à transmettre. Même dans une logique de commerce globalisé, le monopole d'une langue n'est pas un bon investissement sur l'avenir ;  

- Ensuite, au nom de l'égalité des chances de tous donc en transversalité avec tous vos collègues ministres, garantir cette même capacité à toutes les langues régionales, fussent-elles minoritaires.  

C'est à ces deux conditions que la francophonie ne sera plus exclusive mais fédératrice interculturelle et que le Français restera une langue vivante et dynamique.


Car la langue détermine vraiment notre manière de voir le monde (Jean-Marc Onkelinx, http://jmomusique.skynetblogs.be/tag/langue).

 

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02/05/2013
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