Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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20 HEURES 30, CE LUNDI SOIR

 24/10/2019

 

ils m'attendaient !...

 

Lam.jpgEn février dernier, l’association Mamabobi, dont je suis militant et administrateur, était visitée par des individus sans doute peu recommandables. Nous travaillions alors sur un livre à sortir et, ce qui est étonnant, rien de valeur n’avait été dérobé, exceptés quelques documents et archives pièces uniques et introuvables que nous possédions dans notre fonds documentaire.

Ces documents étant absolument invendables et donc sans intérêt pour Monsieur Voleur-tout-le-monde, Nous nous sommes, bien sûr, interrogés sur le pourquoi, sur le comment et aussi sur le « qui » pouvant être à l’origine de cet acte. Le découragement ne figurant pas dans son logiciel, le groupe de recherche Mamabobi continue ses recherches sur la marronnabilité contemporaine et un nouvel ouvrage devrait d’ailleurs paraître au tout-début 2020…

 

La semaine dernière, un autre événement vient étayer certaines intuitions qui, peu à peu, pourraient bien se transformer en certitudes…

20 heures 30, lundi 14 octobre au soir.

 

Tout juste rentré la veille de Brasilia où je m’étais rendu pour un congrès, j’ai roulé une partie de la journée pour me rendre à Saint-Laurent puis retourner à Mana où j’habite. J’ouvre donc le portail et rentre ma voiture dans le jardin devant la maison. Alors que je descends de mon véhicule (il fait nuit et le jardin est très végétalisé) surgissent deux individus habillés de noir, cagoulés, gantés et armés. L’un d’eux me braque immédiatement le canon de son arme de poing entre les deux yeux et me dit : « Tu vas mourir ». Tout simplement.

32502217-côté-canon-d-un-revolver-qui-est-vide-isolé-sur-blanc.jpgMoment surréaliste, s’il en est. On me fait une blague, je ne peux pas être dans un tel mauvais film…

« Mais… qu’est-ce que ?… » Question inutile, il ne répondra que par un coup porté à ma tête par le canon de son revolver. Instantanément, je sens un liquide tiède me dégouliner le long du corps et je ne vois plus rien, mes lunettes étant couvertes de mon sang. Une seule assurance :

« Tu vas vraiment mourir, je t’ai dit de ne pas parler.

-  Mais… ? »

Encore une question inutile, puisque je prends immédiatement un autre coup sur la tête, asséné par l’autre, cette fois, c’est un coup de matraque ou de manche de quelque chose… ça y est, je n’ai plus un seul cheveu qui ne soit pas collé aux autres.

Traîné jusqu’à l’intérieur de la maison, je me trouve alors jeté à terre par deux gars occupés à m’empêcher de (leur) nuire : je me retrouve chevilles entravées, poignets entravés, bâillonné et les yeux recouverts d’un épais ruban adhésif. Un autre corps gît sur le sol à côté de moi : j’ai le temps de reconnaître S… le propriétaire de la maison, qui en occupe le rez-de-chaussée alors que je loge à l’étage. Lui aussi est ligoté de la même manière, depuis deux ou trois heures de temps, comme je l’apprendrai plus tard.

cagoule.jpgCar ils m’attendaient…

« Il est où, le vieux Blanc ?... Il rentre quand ?... » etc.

Ils m’attendaient !

 

Depuis le temps, ils auraient eu largement le temps de vider la maison et de partir avec un butin conséquent, ils avaient la clé de la voiture de S… et il leur était aisé de prendre la fuite avec.

Mais non. Pendant ce qui me sembla une éternité, mais qui ne le fut pas puisque tout a une fin, j’entendis les pas au plafond indiquant qu’ils étaient en train de tout retourner chez moi. Puis plus rien. J’entendis ma voiture démarrer en trombe en direction de Saint-Laurent, puis plus rien. Encore quelques minutes d’attente, le souffle court, afin de s’assurer qu’aucun bruit ne témoignait plus d’aucune présence. Alors (mais cela, vous l’avez vu dans toutes les mauvaises séries à la télévision), nous avons tous deux commencé à essayer de distendre nos liens pour gagner en mobilité, puis S… a pu attraper un couteau avec lequel nous avons réussi à nous dégager. Une petite course vers la maison voisine pour appeler les gendarmes fut la dernière scène de cette mauvaise comédie.

Au final, S… s’est vu dérober le montant du loyer que je lui avais réglé au début du mois, son téléphone, quelques ustensiles de jardinet un fusil. De l’argent liquide et des objets impossibles à identifier d’un jardin à l’autre.

Quant à moi, je me suis vu dépouiller d’une pitoyable somme d’argent liquide, de mon téléphone, de mon ordinateur et de mes sauvegardes.

L’un et l’autre, nous avons retrouvé nos papiers et documents, permis de conduire, passeports, chéquiers etc. et même nos cartes de crédit éparpillés dans la maison, comme balayés par un méchant ouragan.

Mon disque dur contenait deux manuscrits quasiment aboutis, qui auraient dû partir prochainement chez l’éditeur. Ma télévision et mon équipement hifi avaient une valeur marchande bien supérieure à celle de mon ordinateur mais « ils » m’ont élégamment laissé cela. Alors quid ?

tembe.jpgLe choix de l’objet emporté et le fait qu’ils semblaient m’attendre pourraient bien être mis en relation avec le pillage de nos données chez Mamabobi il y a quelques mois. Existerait-il, dans nos belles terres sud-américaines, d’un côté ou de l’autre de cette lamentable frontière si poreuse, des personnes prêtes à commanditer une agression (elles ne vont pas s’y livrer elles-mêmes, pas si bêtes) afin d’empêcher la diffusion de certains savoirs auprès de populations transfrontalières qui risqueraient de se sentir concernées ?

Car si le savoir d’un seul n’est pas un savoir, le savoir partagé est émancipateur.

Wan sama sabi a no sabi, prati sabi e meki yu frey.

 

Le Témoin en Guyane

 

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25/10/2019
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